Il y a plusieurs mois, j'avais écrit que j'anticipais avec impatience la sortie du film Unbreakable, de JB Benna, qui documente l'édition 2010 du Western States 100 (WS100), une course mythique dans le monde des ultramarathons sur sentiers qui a lieu à chaque année dans les Sierra Nevada, en Californie.
Il va sans dire que lorsque le DVD a finalement été mis en vente il y a quelques semaines, j'en ai commandé une copie, laquelle est arrivée chez moi le 29 décembre après avoir été expédiée le 20. Neuf jours pour traverser l'Amérique du Nord (de la Californie au Québec) et passer à la douane en plein temps des Fêtes, c'est pas pire pantoute, comme dirait l'autre.
Rendre compte d'une course qui se déroule principalement dans les bois, en terrain montagneux qui plus est, sur un parcours de 160 km, représente tout un défi. Pour cette raison, JB Benna et son équipe ont décidé de concentrer leurs efforts sur le groupe de 4 coureurs favorisés par les experts pour remporter l'épreuve: le jeune prodige espagnol Kilian Jornet, ainsi que les Américains Hal Koerner, Anton Krupicka et Geoff Roes. Koerner cherchait à remporter l'épreuve pour une 3e année de suite, tandis que les 3 autres participaient pour la première fois au WS100. Jornet est une étoile en course en montagne et en ski-alpinisme, et avait notamment, à l'âge très avancé de 22 ans au moment de la course de 2010, déjà remporté deux fois l'Ultra Trail du Mont Blanc. Krupicka, de son côté, n'avait jamais franchi le fil d'arrivée d'un ultramarathon plus bas que la première place. Quant à Roes, il avait gagné toutes les courses de 100 miles auxquelles il avait participé, établissant un record du parcours à chaque fois.
Un seul de ces 4 coureurs d'élite allait demeurer «non-brisé», d'où le titre du film.
Les 20 ou 30 premières minutes du film (qui dure 1h45) montrent les 4 favoris dans les jours précédant la course, ce qui permet de mieux les connaître et d'avoir une idée de leurs attentes et objectifs pour la course. Ce prélude ouvre aussi une petite fenêtre sur l'ambiance qui règne autour des ultramarathons sur sentiers. On constate que les ultramarathoniens d'élite sont des gens très terre-à-terre et ont entre eux des relations des plus cordiales. L'esprit sportif n'a pas encore été corrompu par les gros commanditaires et les sommes d'argent faramineuses qui viennent avec, ce qui est extrêmement rafraîchissant.
Par la suite, on a l'occasion suivre le déroulement de la course du quatuor, des sommets enneigés aux canyons de l'American River, où le soleil plombe et où règne une chaleur de plus de 40˚C. En plus des images tournées aux stations de ravitaillement, on a droit à celles captées par des caméraman-coureurs et même par Rickey Gates, meneur d'allure (ma traduction de pacer) de Kilian Jornet dans la deuxième partie de l'épreuve. L'une des séquences les plus spectaculaires a lieu aux environs de la mi-course, alors qu'un caméraman court derrière le trio de tête composé de Krupicka, Roes et Jornet pendant un descente. À un certain moment, l'Espagnol dépasse ses deux compagnons/adversaires et disparaît vers le bas de la montagne à une vitesse fulgurante. «C'est l'une des plus belles choses qu'il m'ait été donné de voir en course à pied», mentionnera Krupicka par la suite.
Cette citation de Krupicka est tirée de l'une des entrevues réalisées par Benna avec les principaux protagonistes dans les mois qui ont suivi la course. Le film est parsemé de ce genre d'extraits d'entrevues, qui complètent les images prises pendant l'épreuve et aident à en comprendre le déroulement. Question d'apporter une certaine variation dans le déroulement du film et de mieux nous faire connaître les coureurs, Benna a également inclus des flashbacks qui nous montrent les 4 favoris dans leur environnement habituel. On y apprend notamment que Hal Koerner était préoccupé par une blessure à un pied qui l'incommodait encore dans les derniers jours avant la course...
Mentionnons aussi que les commentaires captés pendant l'épreuve et provenant de meneurs d'allure, de parents et amis venus aider à ravitailler les 4 favoris, de bénévoles et d'anciennes étoiles du sport ajoutent à l'excitation et permettent de comprendre à quel point l'édition 2010 du WS100 fut exceptionnelle.
Par ailleurs, JB Benna a vraiment eu une idée de génie en mettant le récit de Gordy Ainsleigh en parallèle avec la course qui se déroule sous nos yeux. Aujourd'hui âgé de 64 ans, M. Ainsleigh est considéré comme le «père» des ultramarathons sur sentiers aux États-Unis. Malheureux propriétaire d'un cheval qui s'était mis à boiter, il s'était retrouvé dans l'impossibilité de participer à l'édition 1974 de la course annuelle de chevaux entre les villes de Squaw Valley et Auburn, sur ce qui allait devenir plus tard le parcours du WS100. M. Ainsleigh s'était alors donné comme défi de faire le parcours en courant, et de le terminer en moins de 24 heures, lui qui s'était mis à la course à pied depuis quelques mois seulement. C'est l'épopée complètement folle de M. Ainsleigh qui a mené à la création du WS100, qui fut le premier ultramarathon en sentiers à être couru chez nos voisins du sud. À plusieurs reprises dans le film, lorsque les meneurs de la course de 2010 arrivent à tel ou tel endroit, on voit une séquence dans laquelle M. Ainsleigh nous raconte une anecdote tirée de sa course de 1974 et portant sur la même partie du parcours. C'est vraiment très réussi.
Et je ne sais pas si je deviens sentimental en vieillissant, mais j'ai trouvé la fin passablement émouvante: l'arrivée du vainqueur, puis les séquences en rafale pendant lesquelles on voit des coureurs arriver et célébrer, chacun à sa façon, seul ou avec ses proches. Ça aurait facilement pu être cucul ou grandiloquent, mais il n'en est rien. En fait, j'ai trouvé que la musique et le déroulement de cette partie du film étaient parfaits.
Bref, j'ai beaucoup aimé Unbreakable, et je le conseille vivement aux passionnés de course à pied. Même les shorts blancs en spandex de Kilian Jornet n'ont pas réussi à ne pas me faire aimer le film, c'est tout dire!
Bonne année de la part de Kilian
Puisqu'il est question de Kilian Jornet, si vous n'avez pas encore vu sa superbe vidéo de bonne année 2012 (dont j'ai appris l'existence grâce au blogue de François Drouin), ça vaut la peine de la regarder:
De toute beauté et très inspirant. En plus, c'est l'excellente pièce Bittersweet Symphony, du groupe The Verve, qui sert de trame sonore. Pour une fois qu'une vidéo de trail européenne n'est pas accompagnée d'une musique techno poche, il faut en profiter!
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