dimanche 1 août 2010

Vendre des frigidaires aux Esquimaux

Comme je l'ai mentionné dans mon bilan de la dernière semaine, je me suis acheté une nouvelle paire d'espadrilles de course, des GT-2150 de Asics. J'avais une paire du modèle précédent, les GT-2140, avec laquelle j'ai couru plus de 1100 km et qui était par conséquent devenue très usée: le gel n'amortissait plus rien, et la semelle du côté latéral avait beaucoup souffert (j'ai tendance à entrer en contact avec le sol avec la partie extérieure de mon dessous de pied). En plus, j'avais commencé à sentir de petits malaises à ma fameuse bandelette ilio-tibiale droite, autre signe qu'il était temps de mettre fin à la carrière en course à pied de mes 2140. (Elles risquent d'avoir une 2e vie au hockey cosom ou aux pieds de personnes dans le besoin, mais ça c'est une autre histoire.)

Comme je suis habitué aux GT (j'ai aussi eu des GT-2130 auparavant), que je n'ai jamais couru autant que présentement et que je voulais m'assurer d'éviter les blessures avant le demi-marathon des deux rives de Québec, acheter les 2150 était un choix conservateur qui allait de soi.

Résultat? Après une première sortie pendant laquelle j'avais l'impression de porter des bottes plateforme* en raison de l'élévation de mon talon et du fait que je me sentais haut sur pattes, j'étais réhabitué à courir avec des espadrilles avec une couche de gel fonctionnelle dès ma 2e sortie avec mes nouvelles 2150. Je crois même que si j'ai pu courir près de 25 km sur un parcours côteux ce samedi sans ressentir le moindre malaise à la bandelette, c'est en partie grâce à l'amortissement des chocs par la couche de gel de mes espadrilles neuves.

Pourquoi alors ce nouvel achat me laisse-t-il un petit goût amer? Probablement en premier lieu parce qu'il apparaît de plus en plus clairement que les chaussures de course pleines de gugusses et chères que l'industrie vend aux coureurs ne diminuent pas les risques de blessures. Ou à tout le moins, comme le mentionnait Tim Noakes dans son excellent Lore of Running, il n'existe présentement aucune preuve scientifique qui démontrerait que les espadrilles de course à pied réduisent les risques de blessure. Le titre de l'une des sections de la 4e édition (pp. 767-770) est d'ailleurs assez révélateur de l'opinion de Noakes sur le sujet: Are running shoes an expensive gimmick?

Il ressort de tout ça que les chercheurs ne savent pas encore quels facteurs biomécaniques causent les blessures de course. Rien ne prouve, par exemple, que l'hypothèse couramment acceptée voulant qu'une pronation excessive soit une cause importante de blessures est vraie. Difficile, dans ces circonstances, de «prescrire» un type précis de chaussures pour tel ou tel type de coureur.

De plus, un récit comme celui d'Anton Krupicka laisse songeur. Et Krupicka est loin d'être le seul à avoir emprunté la voie minimaliste.

Bref, sommes-nous comme des Esquimaux à qui on aurait vendu des frigidaires? Avons-nous accepté bêtement les idées reçues avancées par une industrie qui a tout intérêt à nous faire croire que nous avons absolument besoin de ses produits pour pratiquer notre sport favori tout en demeurant en bonne santé?

Toujours est-il qu'après le demi de Québec, j'ai l'intention de faire mes timides premiers pas dans la direction minimaliste. En y allant lentement et graduellement, bien sûr, et en étant très attentif à la façon dont mes jambes, et tout particulièrement ma bandelette et mes mollets, réagissent. Lorsqu'on est habitué à courir sur un petit coussin et avec les talons surélevés, une «rééducation» des muscles des membres inférieurs s'impose quand on veut y aller d'une façon plus naturelle. Et il est possible que mon corps ne soit pas fait pour courir avec des chaussures minimalistes.

Il reste que mes possibles futures espadrilles minimalistes seront elles aussi vendues par une des grosses méchantes compagnies de l'industrie de la chaussure de course, et ce à un prix absurde, ce qui me fait aussi rager un peu. En effet, je ne m'explique toujours pas pourquoi des espadrilles fabriquées en Chine coûtent 60% plus cher au Canada qu'aux États-Unis, alors que le dollar canadien n'est pas loin de la parité avec le dollar US. Comme disent les Papous de Nouvelle-Guinée: WTF?

*Note: Je Ne connais PAS la sensation que ça fait de porter des bottes plateforme. J'ai bien des particularités, mais le travestime n'est pas l'une d'entre elles. Je n'ai jamais non plus fait partie du groupe Kiss.

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