Tel est le titre (traduit par moi) d'un intéressant texte de Bill Henderson publié dans le site iRunFar.com. Voici mes réflexions (un peu décousues) sur le texte de Henderson et sur la question de la foulée et du minimalisme.
Dans son texte, Henderson s'en prend principalement aux promesses des promoteurs de techniques comme POSE ou Chi Running, qui vantent les bienfaits d'un dépôt de pied au sol avec la partie avant du pied (en fait, contrairement à ce qu'écrit l'auteur, Chi Running fait plutôt la promotion d'un atterrissage sur le milieu du pied). S'appuyant sur quelques études scientifiques, il conclut que le dépôt du pied sur la partie avant ne diminue pas les risques de blessure, ne diminue pas la consommation d'oxygène à une vitesse donnée et ne fait pas courir plus vite, et que la majorité des coureurs d'élite atterrissent sur le talon. Et vlan!
Globalement, je pense que le texte de Henderson est utile en ce qu'il permet de tempérer l'enthousiasme aveugle de certains adeptes zélés du minimalisme, cette approche qui prône l'utilisation de chaussures de course plus légères, plus souples et moins coussinées afin de favoriser une foulée plus «naturelle» (plus courte, plus rapide, avec atterrissage avec l'avant ou le milieu du pied) et ainsi diminuer les risques de blessure. Au Québec, Blaise Dubois, qui a une approche très pragmatique soit dit en passant, est le principal promoteur du minimalisme. Malheureusement, comme dans tout, certaines personnes y vont un peu fort.
Par ailleurs, je suis d'accord avec les critiques de Henderson envers les personnes et compagnies dont le but premier semble être de s'en mettre plein les poches en vendant des produits et services dont l'efficacité n'a pas été prouvée scientifiquement. Je suis d'ailleurs allé faire un tour sur le site de Chi Running tout à l'heure en préparant le présent texte, et je dois dire que j'ai eu un choc: avec ses nombreux livres, DVD, séminaires et autres produits, Chi Running semble être l'équivalent, pour la course et la marche, de l'empire de la frime de Tony Robbins. Changez votre vie coursienne pour seulement 3 paiements faciles de 29,99 $!
D'un autre côté, comme l'écrit Peter Larson (l'homme derrière l'excellent blogue Runblogger) dans son commentaire à la suite du texte, celui-ci comporte quelques lacunes et omissions. Notamment, lorsque Henderson cite une étude qui démontre que la majorité des athlètes d'élite atterrissent sur le talon, il ne mentionne pas le fait que le pourcentage des athlètes qui atterrissent au milieu du pied augmente à mesure que l'on s'approche de l'avant du peloton, comme on peut le voir sur le graphique inclus dans le texte de Henderson.
Sans compter que les résultats auraient peut-être été forts différents si les coureurs avaient été observés en début de course, avant que leur foulée commence à se dégrader en raison de la fatigue. Mes photos de fin de course, alors que je suis bien entendu très fatigué, me font d'ailleurs souvent grincer des dents: jambe en hyperextension (le tibia aligné avec la cuisse), atterrissage sur le talon, ce n'est pas efficace ni beau à voir pour quelqu'un qui s'intéresse à sa foulée!
De plus, lorsque Henderson parle de foulée naturelle pour chaque coureur, il oublie de mentionner que les caractéristiques de nos chaussures de course influencent notre foulée. Par exemple, je sais d'expérience qu'on ne peut courir en atterrissant sur les talons avec des Nike Free 3.0 (pas assez d'amortissement), tandis qu'il est difficile de NE PAS atterrir sur les talons avec une chaussure «classique» comme la GT-2150 de Asics. Quelle est ma foulée naturelle, alors? Un dépôt de pied sur le talon avec la jambe en hyperextension (comme je l'ai fait pendant des années avec des chaussures pesantes à talons surélevées) ou sur le milieu du pied, comme j'ai tendance à faire avec les Kinvara et les Free 3.0? En somme, le concept de «foulée naturelle» est plus complexe que ce que le texte de Henderson pourrait laisser penser.
Il reste que l'auteur apporte plusieurs points très intéressants, notamment au sujet de la réduction du nombre de blessures. Comme il le mentionne, un atterrissage sur la plante du pied diminue les forces d'impact sur les genoux, ce qui a vraisemblablement pour effet de diminuer les risques de blessure dans cette région. En revanche, la cheville doit absorber une force d'impact plus grande avec un dépôt de pied sur la plante, ce qui augmente vraisemblablement les risques de blessure aux tendons d'Achille et aux mollets. Il y aurait donc «déplacement» des risques de blessures lorsque l'on modifie sa foulée.
À noter que curieusement, les résultats de l'une des études citées par Henderson ne montrent pas de différence dans les forces d'impact entre l'atterrissage sur le talon et sur le milieu du pied, autant pour le genou que pour la cheville. Je dois dire que ça m'a surpris puisque, selon mon expérience, les forces d'impact se transmettent moins aux genoux quand on adopte une foulée plus courte et que l'on atterrit sur le milieu du pied au lieu des talons. D'un autre côté, une telle foulée fait davantage travailler les mollets et les chevilles. Mais bon, les différences de forces d'impact que j'ai ressenties viennent probablement avant tout du raccourcissement de ma foulée et de l'augmentation de ma cadence (nombre de pas par unité de temps), puisque ça a son importance.
Avec toutes les recherches en cours et les interprétations qui peuvent différer d'un individu à l'autre, il est facile d'y perdre son latin. (Surtout pour ceux qui, comme moi, n'ont jamais appris le latin...) Et c'est un sujet passionnant (pour moi, en tout cas) sur lequel il y a beaucoup à dire: j'avais l'intention de mentionner le texte de Henderson à la fin de mon billet d'hier en me limitant à 2 ou 3 paragraphes. Naturellement, la taille de mon texte a explosé comme le nombre de coups salauds dans la LNH cette saison. Pauvre naïf, ça m'apprendra à m'attaquer à ce genre de sujet!
Qu'est-ce que je retiens de tout ça? Que les bienfaits des chaussures minimalistes n'ont pas été prouvés, mais qu'il faut garder en tête qu'il en va de même pour les chaussures lourdes, à semelles épaisses et à talons surélevés qui tiennent le haut du pavé depuis 25-30 ans. Dans ce cas, je préfère courir avec les chaussures les plus légères, souples, confortables et «respirantes» possibles. Bien entendu, je fais la transition de façon très graduelle et je suis à l'écoute des douleurs aux chevilles et aux mollets qui se pointent parfois le bout du nez. Les muscles et tendons de mes mollets, chevilles et pieds, doivent se réveiller à leur rythme.
Et il va sans dire que si vous êtes confortable dans vos chaussures actuelles, qu'elles soient lourdes et épaisses ou légères et souples, et que vous n'êtes pas blessé, ça ne vaut probablement pas la peine de changer une combinaison gagnante pour pouvoir adopter une soi-disant foulée idéale...
Texte très bien fait, bien documenté et fort intéressant. L'analyse que tu fais me rejoint beaucoup! C'est fou tout ce qui émerge en ce moment comme concepts théoriques sur la course à pied. On en perd parfois notre latin!!! ;o)
RépondreEffacerMerci Claire! Heureusement pour tous les mordus de la course à pied, la maîtrise du latin n'est pas un pré-requis pour pouvoir courir. ;-)
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