Pourquoi utiliser le mot
chanceux dans le titre? Parce que les nuages ont collaboré pendant presque toute la durée de ma course, que j'ai finalement terminée. J'ai même battu mon record personnel au demi-marathon d'un titanesque 15 secondes! Récit d'un demi-marathon couru sous le signe de la chance, disais-je donc.
Comme j'écrivais dans mes
élucubrations d'hier soir, plusieurs raisons me faisaient douter de ma capacité à offrir une performance potable dans la course d'aujourd'hui. Et tel que prévu, mon retour au hockey cosom hier midi avait laissé des traces: en me levant ce matin, et plus tard en me dirigeant vers l'île Ste-Hélène, j'ai constaté que j'avais des courbatures dans les côtés du tronc, le bas du dos, les muscles fessiers et des hanches, et finalement les quadriceps. Rien pour me pousser à hurler ou à me tordre de douleur, mais rien de rassurant non plus quand on s'apprête en théorie à courir un demi-marathon, une distance qui nécessite un bon tonus musculaire si on veut éviter que sa foulée se dégrade de façon trop marquée en fin de course.
Ce sont ces considérations qui m'ont poussé à aller m'étirer dans l'herbe peu avant d'arriver au pont. De mémoire, c'était la première fois que je m'étirais avant de courir. Dans l'état de délabrement pré-course dans lequel je me trouvais, je crois que ça a aidé.
Arrivé une trentaine de minute avant le départ, j'ai réussi à trouver une place dans la section 1h30-2h00 qui, comme toutes les autres, était déjà assez densément peuplée. Malheureusement, j'étais à environ 2 ou 3 mètres d'un haut-parleur. Dans la demi-heure qui a suivi, j'ai donc eu l'honneur de me faire casser les oreilles à profusion par de la musique
dance en cannes et par les messages (pertinents, il faut dire) de l'animateur. Et, point important, il y avait des nuages et aucune trace d'éclaircies!
Après quelques minutes de fébrilité et un décompte somme toute bien réussi, le départ à été donné à l'heure prévue. Après ce qui nous a paru un bon moment (en fait, environ 2 minutes), nous avons enfin pu nous mettre à marcher. À l'approche de la ligne de départ, j'ai commencé à avoir assez d'espace devant moi pour me mettre à courir, et je me suis dit: «merde, ça me tente pas vraiment de courir, finalement». Tout un état d'esprit pour commencer un demi-marathon!
Une fois parti cependant, mon cerveau a commencé à se concentrer sur la tâche à accomplir. De plus, il faut dire que j'appréciais pleinement de me retrouver au milieu de cet imposant peloton, sur le pont Jacques-Cartier. Au moment d'amorcer la descente, j'ai pu apercevoir la masse de coureurs qui s'étirait loin devant moi, vers la sortie du pont, et c'était beau à voir. Lors de ce début de course, j'ai aussi eu le temps de maudire ma stupidité: dans le but d'éviter que ma température corporelle monte trop haut, je m'étais versé de l'eau sur la tête et dans le dos dans les premiers mètres du parcours, mais j'y étais allé trop fort, au point que mon gilet et mes shorts étaient alourdis.
Mais bon, le plaisir de me trouver où je me trouvais a vite pris le dessus. J'étais content d'avoir pu vivre un avant-course sans soleil, puis un 1er km sans soleil, puis un 2e, un 3e, etc. Les kilomètres passaient vite, et je maintenais un rythme dans les 4:40/km sur le plat, jusqu'à ce que survienne la fameuse côte Berri. Je me suis efforcé d'être conservateur dans la montée, mais je me suis retrouvé en haut avec des jambes hypothéquées, conséquence probable de mon cosom de la veille... Je dirais même que je n'ai plus été le même par la suite, malgré mes bons temps aux 6e et 7e km (voir tableau ci-bas).
Je serais curieux de comparer mes fréquences cardiaques moyennes aux km 6 et 7 à celles que j'ai maintenues pendant les 4 premiers km. Malheureusement, j'ai oublié une pièce cruciale de mon moniteur cardiaque à Chicoutimi...
Après 7 km, je me suis dit que j'avais fait presque un tiers de demi-marathon, ce qui m'a un peu désespéré: «quoi, il m'en reste encore 2 fois plus à faire?». Je me suis vite ramené à l'ordre: si le soleil se pointait, ma course pouvait finir n'importe quand. J'avais pu faire un tiers de la course, c'était positif. Je commençais à en avoir pour mon argent...
Sur St-Laurent (8e et 9e km), j'ai commencé à souffrir un peu des effets de la chaleur. J'ai essayé de ralentir un peu et d'aller à la vitesse la plus élevée que je pouvais maintenir sans tomber dans les pommes. Après 8 km, j'étais déjà moins alerte. À preuve, j'avais complètement oublié qu'il y avait une station de ravitaillement qui offrait des éponges fraîches peu avant d'arriver au point le plus au nord du parcours, toujours sur St-Laurent. J'ai aperçu les éponges au moment où je commençais à m'éloigner de la station. J'ai alors agi en idiot, rebroussant chemin au milieu du peloton qui était encore assez dense à cet endroit. Un coureur a dû ralentir brusquement pour éviter de me rentrer dedans. Après en avoir laissé passer 2 ou 3 autres, j'ai pu aller chercher mon éponge, qui m'a été d'une grande utilité dans les 3 ou 4 kilomètres suivants.
Une fois arrivé devant le parc Père-Marquette (fin du 11e km), j'étais bien content d'en avoir fini avec la partie «faux plat ascendant» du parcours, qui suit la côte Berri et qui s'étire sur quelques kilomètres. J'avais couru au feeling et j'étais toujours sous les 5:00/km, ce qui était de bon augure pour la suite. Après tout, je n'avais que 103 secondes à gagner par rapport au rythme de 5:00/km pour battre mon record...
En descendant de Lorimier, je me suis toutefois rendu compte que mes jambes en arrachaient et que mon niveau d'énergie avait sérieusement baissé. Même la dame dans son escabeau qui nous envoyait généreusement de l'eau sur la tête avec son arrosoir n'a pas réussi à me faire reprendre des forces... Comble de malheur, le soleil a commencé à se pointer peu avant que j'arrive sur Rachel, au 14e km. J'ai alors commencé à me demander si je n'allais pas devoir marcher, et j'ai dit momentanément adieu à l'idée de battre mon record. Et pour donner une idée de l'état «altéré» dans lequel se trouvait mon cerveau à ce moment de la course, j'ai dû m'y prendre à 2 ou 3 reprises avant de réussir à mettre ma casquette correctement, sans plis.
Heureusement pour moi, la nouvelle partie du parcours (qui passe notamment par la rue Fullum) était assez ombragée, grâce à la présence de gros arbres. Ça m'a aidé énormément, d'autant plus que je n'en menais vraiment pas large à cette étape de la course. De retour sur Rachel, j'ai pu courir dans de petites zones d'ombre, gracieuseté de quelques hauts bâtiments. Également, le fait que nous avions le soleil de dos aidait. Comble de chance, une mince couche nuageuse a commencé à voiler le soleil peu avant que j'arrive à l'aire de départ du 5 km. Quand j'ai entamé la montée sur le boulevard Pie IX, le soleil était de nouveau complètement couvert. Alléluia! J'ai dépassé plusieurs personnes pendant la montée, mais j'ignorais combien d'entre elles couraient le marathon.
Autre raison d'avoir un regain d'énergie: des environs de l'aire de départ du 5 km jusqu'au début de la montée Pie IX, les spectateurs étaient nombreux et bruyants. Ils étaient également en grand nombre au sommet de la côte. En fait, j'ai trouvé que tout au long du parcours, les spectateurs étaient plus nombreux et plus bruyants que les années précédentes.
Lors de la descente sur le boulevard Rosemont (19e km), je maintenais un rythme dans les 4:30/km, avec une pointe à 4:11/km selon ma Garmin! Quand j'ai vu la pancarte indiquant la fin du 19e km, j'ai décidé de monter l'effort d'un cran et de tout donner pour essayer de battre mon record de 1:43:48, réussi plus tôt cette année au
Demi-marathon hypothermique. Après un bon 20e km (moyenne de 4:32/km), j'ai commencé à manquer d'énergie au début du 21e. J'avais accéléré trop tôt! Au 21e km, mon rythme a diminué et je me suis fait dépasser par quelques coureurs qui sprintaient vers la ligne d'arrivée.
Une fois arrivé, j'ai dû aller voir dans l'historique de ma montre pour avoir mon temps à la seconde près. Résultat sur ma montre: 1:43:37, soit 11 secondes de mieux que mon ancien record! J'avais été conservateur en démarrant le chrono sur le premier tapis au départ et en l'arrêtant sur le dernier à l'arrivée. Mon temps officiel est de
1:43:33.
Je poursuis donc ma «tradition» d'améliorer mon meilleur temps à chacun de mes demi-marathons, même si cette fois ce n'est pas de beaucoup. Je peux toutefois difficilement me plaindre du faible écart par rapport à mon temps du demi hypothermique, compte tenu du chaos et des émotions de ces dernières semaines. Je sais également que j'ai donné absolument tout ce que j'étais capable de donner aujourd'hui, flirtant plusieurs fois avec le coup de chaleur. En fait, j'étais tellement dans les vaps à l'arrivée que j'ai eu l'étrange idée de me faire prendre en photo «officielle». Ça ne sera pas beau! Il n'y a donc aucun regret à avoir de ce côté-là (sauf pour la photo!).
Un bel effort de ma part, donc, mais surtout, une bonne dose de chance. Je dois une fière chandelle aux nuages...