dimanche 31 octobre 2010

Chaussures de course, minimalisme et pieds dénudés

Il y a quelques temps, j'avais fait part de mon indignation et de ma perplexité face au prix de vente élevé des chaussures de course au Canada comparativement aux États-Unis. J'avais également relaté les démarches que j'avais entreprises pour commander une paire de Kinvara au magasin en ligne américain Eastbay et contacter des émissions de télé québécoises s'intéressant à des questions de consommation. Comme je l'avais mentionné par la suite, une membre de l'équipe de l'émission Légitime Dépense, de Télé-Québec, m'avait envoyé une réponse dans laquelle elle annonçait la diffusion d'un reportage sur les chaussures de sport en général.

Le reportage en question a été diffusé lundi dernier et est disponible sur les interwebs, ici. Il contient quelques renseignements intéressants sur les caractéristiques générales que doivent posséder les chaussures conçues pour telle ou telle activité (tennis, course à pied, marche, danse aérobique, etc.). Malheureusement, on y débite encore une fois les dogmes sur la pronation: une trop grande pronation peut causer des blessures et doit être corrigée par une chaussure qui va diminuer le «roulement» du pied; si le pied est au contraire supinateur, il faut alors une chaussure avec beaucoup d'amortissement, etc. Si vous vous êtes déjà acheté une paire de chaussures de course dans une boutique spécialisée, il y a environ 99,9999% de chances que le vendeur vous ait tenu ce genre de discours.

Le problème, c'est qu'il n'existe aucune preuve scientifique pour appuyer ce paradigme. Pour ceux que ça intéresse, il y a cet article du New York Times dans lequel on discute de 3 articles parus depuis 2008 dans des revues spécialisées (British Journal of Sports Medicine et American Journal of Sports Medicine), et dont les conclusions vont à l'encontre du paradigme utilisé pour «prescrire» des chaussures aux coureurs. En gros, les chercheurs concluent que bien que les chaussures aient les effets biomécaniques voulus (par exemple, une chaussure faite pour diminuer la pronation diminue effectivement la pronation), elles ne réduisent aucunement les risques de blessures. Au contraire.

Au moins, l'expert consulté dans le reportage (dont la voix, soit dit en passant et comble de pertinence, est remarquablement similaire à celle de Vincent Marissal, journaliste à La Presse et coureur à ses heures) est d'avis que des chaussures «bas de gamme» à 75-80$ font tout aussi bien l'affaire que des chaussures plus high-tech. Mais bon, si je ne m'abuse, les espadrilles de course les moins chères qu'on trouve en magasin au Canada coûtent autour de 110-120$...

Tout ça pour dire que la prochaine fois qu'un vendeur de chaussures de course vous débitera le bla bla habituel au sujet de la pronation, gardez en tête que ça ne repose sur rien de concret et que le vendeur se trouve probablement dans l'une des deux situations suivantes:
1) Il/elle ignore les résultats des études scientifiques faites ces dernières années.
2) Il/elle est au courant, mais en l'absence d'un nouveau paradigme pour remplacer l'ancien, il/elle doit quand même vous conseiller quelque chose. Autrement, vous risqueriez de penser que le vendeur ne sait pas de quoi il parle et de vous retrouver chez la concurrence. Et de toute façon, les fabricants de chaussures de course d'aujourd'hui fonctionnent selon ce paradigme de la pronation: on classe les chaussures (et on en fait la promotion) dans des catégories dites de stabilité ou d'amortissement, etc. Dans ces circonstances, il peut être difficile ou risqué pour un vendeur d'essayer de nager à contre-courant de l'industrie et de la concurrence.

Que faire, alors? Difficile à dire. De mon côté, je cherche maintenant des espadrilles confortables, légères, pas chères, et dont le talon n'est pas trop surélevé par rapport à la plante du pied, ce qui favorise un atterrissage sur le milieu du pied. En gros, ça rejoint les critères de sélection de Pete Larson, alias Runblogger. Et ce sont là les caractéristiques principales des chaussures dites minimalistes, mais je n'en fais pas une religion. D'autant plus que ce qui est minimaliste pour Pierre ne l'est pas nécessairement pour Jacques. Tout dépend de nos antécédents chaussuriers en tant que coureur. Ainsi, les Kinvara sont des espadrilles minimalistes pour Pepére, mais ne le seraient certainement pas pour Anton...

Et il faut surtout garder en tête d'y aller graduellement lorsqu'on change de type de chaussures de course, question d'éviter de surcharger certains muscles ou tendons qui ne sont pas habitués de travailler autant. Par exemple, courir avec des espadrilles à talons bas sollicite beaucoup plus les muscles des mollets et les tendons d'Achille que courir avec des chaussures ordinaires (c'est-à-dire à talon surélevé, ce qui favorise un atterrissage sur les talons), comme j'en fais l'expérience depuis quelque temps. Une période d'adaptation est nécessaire afin de donner le temps aux tissus de s'ajuster à la nouvelle charge de travail.

J'ai donc été surpris lorsque j'ai visionné ce mini-reportage du Code Chastenay portant sur les bienfaits de la course pieds nus. Pas un seul mot sur les risques associés à une transition abrupte de la course avec des chaussures très coussinées à la course pieds nus. Pas un mot sur la période d'adaptation nécessaire pour donner au corps le temps de s'ajuster. Même si le reportage n'était qu'un entrefilet, il aurait suffi d'ajouter une ou deux phrases. Ah, misère...

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