samedi 18 juin 2011

Les Kinvara et moi

Peu après avoir reçu ma première paire de Saucony Kinvara directement du pays de Sarah Palin, en septembre dernier, j'avais écrit un billet dans lequel je faisais part de mes impressions après deux sorties et un peu moins de 18 km au compteur avec ces chaussures. Il s'agissait du point de vue d'un gars qui courait depuis des années avec les chaussures de type traditionnel de ASICS que sont les Cumulus, Kayano et GT-2130 à 2150 et qui s'aventurait pour la première fois sur le terrrain des chaussures plus minimalistes*. J'ai pensé qu'il serait intéressant de revenir sur mon expérience avec les Kinvara, orgie de photos à l'appui, maintenant que j'ai accumulé plus de 1100 kilomètres au total avec deux paires différentes.

La chaussure droite de ma 2e paire, du temps de sa prime jeunesse. On peut encore distinguer les éléments situés sous la mince couche externe.


Confort
Dans mon premier billet (voir le premier lien plus haut), je vantais la sensation de confort procurée par les Kinvara, leur légèreté, leur flexibilité par rapport aux chaussures de course que j'avais connu jusqu'alors, la «respirabilité» de leur empeigne et la capacité qu'elles procurent de bien sentir le sol sous les pieds (ce que les anglophones appellent ground feel). Ces observations se sont confirmées, avec deux petits bémols:

1) Les caractéristiques mentionnées ci-haut sont bien entendu relatives, et notre perception est conditionnée par notre expérience en matière de chaussures. Par exemple, maintenant que je suis habitué de courir avec des Nike Free 3.0, dont la semelle, tout en étant moins moelleuse que celle de la Kinvara, représente probablement le summum de la flexibilité, je trouve que les Kinvara ne sont pas si souples que cela et qu'elles donnent peu d'information au sujet des détails de la surface sur laquelle on court. De plus, bien que le talon soit surélevé de seulement 4 mm par rapport à la plante du pied (ce qui favorise en théorie un atterrissage sur le milieu du pied), la semelle des Kinvara est somme toute très absorbante et permet de continuer à déposer le pied au sol légèrement sur le talon. Ce n'est que quand j'ai commencé à courir avec les Free 3.0 que je me suis rendu compte que même si ma foulée s'était améliorée, j'atterrissais toujours un peu sur les talons.

2) La partie avant de la chaussure, qui est très pointue, accommode mal les petits orteils de bien des coureurs, dont les miens. Comble de malheur, les Kinvara viennent en une seule largeur par pointure. Je conseillerais donc aux acheteurs potentiels de prendre une demi-pointure plus grand que ce qu'ils chaussent normalement, voire une pointure complète pour ceux qui ont les pieds larges. (À moins que vous ne soyez assez brave pour opérer vos Kinvara...) Bref, ça vaut la peine d'essayer plusieurs pointures si vous les achetez en magasin, ou d'utiliser un outil comme Shoefitr sur le site de Running Warehouse si vous achetez via les internets. D'ailleurs, si j'avais utilisé Shoefitr, j'aurais vu que des 9 1/2 étaient indiquées pour quelqu'un comme moi qui courait avec des GT-2150 de pointure 9, et qui sait, je ne serais peut-être pas en train de songer sérieusement à mettre mes Kinvara à la retraite pour cause de maltraitance de mes pieds en expansion...

Par ailleurs, dans mon billet de septembre dernier, je parlais de mes doutes sur la capacité des Kinvara de bien conserver la chaleur en hiver. Verdict: j'avais tort de m'en faire! À part les 3-4 premières minutes de quelques-unes de mes sorties par temps particulièrement froid (genre -20˚C), je n'ai pas gelé des pieds du tout! Autre avantage des Kinvara en hiver: la minceur de leur empeigne fait en sorte qu'elles sèchent rapidement quand on a le malheur de mettre un pied dans une flaque d'eau glaciale, ce qui ne manque pas d'arriver lorsqu'on court à la noirceur en milieu urbain. Ça demeure TRÈS froid sur le coup, mais la température du pied revient rapidement à la normale...

Une autre caractéristique intéressante de l'empeigne minimaliste des Kinvara, c'est qu'elle n'a pas de structure rigide qui frotte sur le pied. Ce que ça implique, c'est qu'il n'y a pas de niaisage avec des pansements le temps que la forme des chaussures s'harmonise avec celle des pieds (ou serait-ce le contraire?). Il m'est même arrivé de courir plus de 10 km avec les pieds mouillés sans que ça cause des ampoules. Alléluia!


Transition
Difficile de discuter des Kinvara sans mentionner la question de la transition des chaussures classiques (talon surélevé de 12 mm ou plus par rapport à la plante du pied, semelle épaisse, nombreux éléments de support du pied et de contrôle de la foulée, etc.) vers des chaussures plus légères, moins contraignantes et favorisant une foulée plus naturelle. Pour bien des gens en effet, la Kinvara a été ou sera une première incursion dans le domaine des chaussures minimalistes.

Les légions de lecteurs (bwahahahaha!) qui suivent mon blogue depuis un certain temps savent que la transition n'a pas été facile dans mon cas: même si je ne me suis pas lancé en fou dans l'utilisation des Kinvara, j'ai souffert de douleurs aux mollets pendant quelques mois. J'ai aussi dû me rappeler souvent, dans les premiers temps, de raccourcir ma foulée afin d'arrêter d'atterrir sur les talons avec la jambe en extension complète (le genou complètement déplié), question de diminuer la force des impacts au sol. Ce n'est pas pour rien qu'une compagnie comme Merrell a mis en ligne des vidéos d'information au sujet de «l'entraînement minimaliste» à l'intention des acheteurs potentiels de sa nouvelle ligne de chaussures minimalistes.

C'est donc sans surprise que j'ai eu mal aux mollets après avoir coursé le 10 km du parc Lafontaine en octobre, moins d'un mois après avoir couru avec des Kinvara pour la première fois. Quatre mois plus tard, le Demi-marathon hypothermique a aussi malmené mes mollets. Bizarrement, ces derniers ont très bien supporté le 15 km des Pichous, 2 semaines plus tard. On peut donc dire que ça a pris pratiquement 6 mois pour que mes mollets s'habituent à des chaussures à talon relativement bas, et il a fallu que je les aide avec des exercices de musculation!

Bref, même si tout le monde est différent, il est prudent de prévoir un temps d'adaptation de quelques mois pendant lesquels on augmente graduellement la distance parcourue avec les nouvelles chaussures, tout en conservant de préférence le même kilométrage total, question de ne pas perdre ses acquis.


Durabilité
Tel que mentionné dans le paragraphe d'introduction, j'ai couru jusqu'à maintenant plus de 1100 km au total avec 2 paires de Kinvara: plus de 850 km avec la «vieille», et plus de 250 km avec l'une de celles que j'ai commandé vers la fin de 2010.

Même si la première paire montre des signes évidents de grand âge, elle n'a pas encore terminé sa vie active. Parmi les signes de vieillesse, il y a tout d'abord l'amortissement qui n'est plus ce qu'il était, comme on pouvait s'y attendre. Cette paire d'âge vénérable reste toutefois plus absorbante que les Free 3.0 et demeure tout à fait utilisable.

Les autres signes d'usure sont visibles à l'oeil nu. Premièrement, on note la présence de deux petites déchirures dans la couche externe de l'empeigne de la chaussure droite, au-dessus du petit orteil:

Cette chaussure a du vécu, comme en témoigne la présence de 2 déchirures dans la couche externe. À noter aussi la différence de teinte vs la 1ère photo...


Ces déchirures, que j'ai repérées pour la première fois après 660 km, ne diminuent en rien la capacité de la chaussure à tenir le pied fermement. Cette fonction est assurée par des tiges de plastique souple qui sont situées entre la couche interne parsemée de petits trous qui recouvre le pied (voir la première photo du présent billet), d'une part, et la couche externe qui sert avant tout à garder les petites roches et autres débris à l'extérieur de la chaussure, d'autre part.

D'après ce que j'ai pu lire sur les interwebs, ce genre de déchirures est assez commun (exemple ici). Je ne serais pas surpris qu'elles soient dues aux pressions exercées par les orteils sur l'empeigne en raison de l'étroitesse de la chaussure à cet endroit.

Autre signe d'usure: la partie qui recouvre l'arrière du pied est défoncée dans les deux chaussures:


Sur ce point, ma façon stupide de mettre les chaussures y a probablement été pour quelque chose: au lieu de dé-serrer un peu les lacets, je forçais pour faire entrer mes pieds dans les chaussures, maltraitant du même coup la partie arrière. Notons cependant que la petite structure de plastique blanche qu'on peut voir au fond de ce trou ne m'a jamais causé de douleur ou d'inconfort à l'arrière du pied.

Et finalement, l'usure a presque complètement «rongé» les 4 petits quadrilatères situés du côté latéral de la semelle, sous la plante du pied. Dommage que les gens de Saucony n'aient pas jugé bon d'ajouter des morceaux de XT-900 (le matériau des petits triangles noirs qu'on voit sur les photos suivantes) à cet endroit. Ça aurait grandement augmenté la durée de vie des quadrilatères... Les photos suivantes, qui montrent la partie avant de la semelle de la chaussure gauche de chacune des 3 paires, permet de bien voir la progression de l'usure dont il est question:

Après 0 km.

Après environ 250 km.

Après plus de 800 km. Les quadrilatères ont pratiquement disparu.


Les conséquences de cette usure? Une perte d'adhérence dans des conditions hivernales et sur des surfaces lisses mouillées. Mais bon, au moins, dans la neige et la glace, il y a toujours la possibilité de mettre des semelles d'appoint, quoique ce n'est pas très intéressant de courir dans la neige avec des chaussures dont l'empeigne est trouée. D'où la décision que j'ai prise l'hiver dernier de remiser la plus vieille paire jusqu'à la fonte des neiges...

Conclusion
En somme, je suis d'avis que la Kinvara est une excellente chaussure de transition vers le minimalisme: d'un côté elle est légère, relativement souple, et son talon est suffisamment bas pour forcer les muscles des mollets à travailler davantage qu'avec des chaussures classiques; de l'autre côté, sa semelle absorbe suffisamment les chocs pour accommoder les coureurs qui ne maîtrisent pas encore l'atterrissage sur le milieu ou l'avant du pied. Au niveau de la durabilité, je ne crois pas que la Kinvara ait beaucoup à envier aux chaussures classiques qui dominent toujours le marché. Cependant, l'étroitesse de sa partie avant fait en sorte qu'elle ne convient pas à tous les pieds. Et bien entendu, ceux pour qui il s'agit d'une première chaussure à talon relativement bas devraient s'assurer de faire la transition graduellement, sur une période de quelques mois, question de minimiser les risques de blessures aux mollets et/ou aux tendons d'Achille.

Une bonne chaussure donc, à acheter aux États-Unis de préférence.

*Tant pis si certains puristes s'énervent le poil des jambes en entendant ou en lisant les mots «Kinvara» et «minimaliste» dans la même phrase.

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