Une fois sur place, j'ai été agréablement surpris de la rapidité avec laquelle j'ai pu aller récupérer ma trousse de coureur (puce, dossard, chandail, etc.) à l'expo-marathon. Il n'y avait pas la moindre file d'attente. On aurait aimé que ça se passe comme ça à Montréal l'année dernière! Je suis aussi allé faire un tour au kiosque de Saucony à l'expo, question d'aller voir les Kinvara «en vrai». À mon grand bonheur, le vendeur m'a offert de les essayer sur un tapis roulant, offre que je me suis empressé d'accepter! Verdict: j'en veux! Le prix demandé m'a toutefois fait reculer: même à 140$ sans taxes, le prix de vente est nettement plus élevé qu'aux États-Unis (90$US), et je commence à en avoir assez de me faire avoir en achetant mes souliers de course au Canada... C'est donc avec un sac de bébelles mais sans nouvelles espadrilles que je me suis dirigé vers la partie «familiale» de mon séjour.
Le dimanche matin, j'étais censé me lever à 4h, mais à 2h30 j'étais réveillé. Après ma courte nuit de vendredi à samedi, voilà que je venais de faire une nuit pré-course d'environ 3h de sommeil: ayoye! J'allais devoir compter sur l'adrénaline pour être raisonnablement alerte avant et pendant la course...
Ensuite, départ vers 5h50 vers le centre-ville de Québec avec mes deux accompagnateurs, qui allaient me reconduire jusqu'au traversier et me retrouver ensuite aux environs de la ligne d'arrivée. La dernière étape de notre périple pré-course était une marche d'une quinzaine de minutes jusqu'au terminal du traversier. Peu avant d'arriver à destination, nous avons rencontré par hasard un couple de connaissances qui s'en allaient aussi prendre le traversier pour se rendre au point de départ de leurs courses respectives: S s'en allait courir comme moi le demi-marathon, tandis que D, lui, était en route pour son premier marathon. Inutile de mentionner qu'il y avait de la nervosité dans l'air, en particulier du côté de D, d'autant plus que la température allait rendre les choses difficiles...
En tout cas, avoir des compagnons jusqu'à peu avant le moment du départ (dans le cas de D, nos chemins se sont séparés une fois arrivés à Lévis) a fait paraître l'attente moins longue. J'avais d'abord cru que nous allions arriver sur le site de départ vers 7h et que j'allais m'emmerder jusqu'au départ de la course à 8h30, mais le transport a pris plus de temps que prévu, et nous ne sommes arrivés à destination que vers 7h50. Ensuite, pas le temps de faire de réchauffement: nous avons longuement fait la file pour aller aux toilettes. Nous avons en tout cas eu le temps d'espérer que la température reste relativement fraîche et que le soleil demeure caché derrière les nuages. En vain, puisque le soleil a fait une première apparition vers 8h20, juste avant que j'aie enfin l'occasion de m'alléger de quelques livres. Au moins, mes intestins allaient être vides pour la course...
J'ai ensuite tout juste eu le temps de prendre un gel et de me placer entre le lièvre de 1h30 et celui de 2h (le lièvre de 1h45 est allé se placer environ 2 minutes avant le départ). J'ai aussi eu le temps de décider que la température au départ était suffisamment clémente pour que je m'essaye: j'allais courir à 5:00/km tant que j'allais en être capable, jusqu'à ce que la chaleur me force à ralentir. Je n'avais pas payé 75$ en frais d'inscription simplement pour faire une longue sortie ordinaire, comme celles que j'avais eu l'occasion de faire à de nombreuses reprises à l'entraînement!
C'est donc avec une mentalité de chasseur que j'ai commencé la course: chasse à mon objectif, et chasse au lièvre de 1h45, qui était environ 200 m devant moi en début de course en raison de l'étalement du peloton de coureurs. Sans vraiment forcer et sans essayer d'aller plus vite que ce que je «sentais» être un rythme de 5:00/km, je l'ai rejoint au bout d'environ 1 km. Je me suis ensuite efforcé de maintenir le même rythme que lui. Après avoir manqué le panneau de 21 km (le Marathon des Deux Rives a la particularité d'avoir des panneaux qui indiquent le nombre de kilomètres restant), j'ai croisé celui de 20 km en 5:16, soit avec 14 secondes d'avance sur mon objectif pré-canicule.
Je me sentais bien, et le fait qu'environ 50% du début du parcours se trouvait à l'ombre aidait, tout comme la température somme toute potable en ce début de course (18˚C à 8h, 21˚C avec humidex de 27 à 9h). J'ai couru le km 20 à 19 en 4:59, malgré le fait que nous ayons commencé à monter vers la fin de ce km. Tout continuait à bien aller.
La montée vers le pont de Québec s'est relativement bien déroulée, même si je me suis fait distancer par le lièvre de 1h45. Je savais toutefois que mon rythme était raisonnablement près du 5:00/km. Chaleur ou pas, je m'étais attendu à perdre un peu de temps pendant la montée. Il n'était pas question que je me brûle en essayant coûte que coûte de suivre M. 1h45. (J'ai d'ailleurs su par la suite qu'il avait terminé en 1h45 pile gun time, alors que je visais 1:45:30 chip time.) De plus, la majeure partie de cette section du parcours se trouvait au soleil, ce qui constituait une autre incitation à la prudence...
Vers la fin du pont (sur lequel on pouvait sentir un vent de côté agréablement rafraîchissant), au panneau du km 14, je n'avais que 18s de retard sur mon objectif. J'avais commencé à en arracher, mais c'était un inconfort tout à fait gérable. Même si mes jambes avaient été fatiguées par les montées, je trouvais que je m'en étais relativement bien tiré. J'anticipais avec impatience la descente vers le bord du fleuve... jusqu'au moment où, après avoir franchi une partie du virage de la bretelle de sortie du pont, j'ai aperçu une montée qui m'est apparue très à pic. (Ici, les avis divergent: selon S, l'inclinaison de la côte était somme toute assez faible.) Je dois avouer que la vue de cette montée inattendue a porté un dur coup à mon moral. Il m'a d'ailleurs semblé que j'étais particulièrement lent dans cette côte, ce que le chronomètre confirme: au marqueur du kilomètre 13, j'avais maintenant 52 s de retard sur mon objectif pré-canicule.
Ensuite est cependant arrivée la descente tant attendue vers le fleuve, ce qui m'a permis de me rattraper en franchissant le km 13 à 12 en 4:06. J'avais donc couru 9,1 km en 45:28, soit dans les temps de mon objectif (mince avance de 2s). J'étais agréablement surpris, mais c'est à ce moment, vers la fin de la descente, que j'ai commencé à avoir un point au ventre. J'ai continué à courir, en ralentissant en arrivant au bas de la côte, avant de faire quelques courts arrêts pour boire et pour essayer de faire passer la douleur. En bon québécois, j'étais en tabarnak: alors que tout allait si bien et que je sentais que j'étais capable de maintenir le rythme, j'étais pris avec un stupide point au ventre, chose qui ne m'était pas arrivée à l'entraînement.
Je suis tout de même parvenu à franchir le km 12 à 11 en 4:54, puis le suivant, en forçant, en 5:07. En forçant, parce que c'est pendant ce km que j'ai commencé à souffrir aussi de la chaleur. J'ai tout fait pour arriver au km 10, site du départ de la course de 10 km, dans le temps prévu par mon objectif. Il y avait dans ça un peu beaucoup d'orgueil: je savais que mon temps serait enregistré à cet endroit, et je voulais avoir une preuve «officielle» que j'avais maintenu le rythme pendant plus de la moitié de la course.
C'est tout de suite après avoir franchi ladite ligne en 55:29 (55:31 selon Sportstats, donc dans les temps à 1s près) que j'ai fait mon premier arrêt «chaleur». Tel que prévu par la météo, la température montait rapidement, et le soleil plombait dans un ciel sans le moindre nuage. À 10h, soit environ 20 minutes avant que je termine la course, l'humidex allait être de 29.
C'est sans la moindre honte que j'ai commencé à alterner la course et la marche. Je courais jusqu'à ce que je ne m'en sente plus capable, puis marchais jusqu'à ce que je retrouve la force de courir. Et je n'étais pas le seul: j'ai dépassé et me suis fait dépasser à plusieurs reprises par les mêmes personnes, selon que l'une ou l'autre courait ou marchait. Et cette alternance course/marche aura au moins eu un effet bénéfique: mon point au ventre s'est volatilisé...
Bref, le soleil tapait fort. Et comme nous courions toujours à peu près dans la même direction, je me suis mis à sentir une forte chaleur du côté droit de mon cou et sur mon bras droit.
Il semble d'ailleurs que plusieurs personnes aient été incommodées par la chaleur: de mon côté, j'ai vu un seul coureur en train de recevoir des soins, mais S, qui me suivait d'une dizaine de minutes, dit en avoir aperçu au moins une quinzaine.
Le tableau suivant raconte l'histoire de ma fin de course (de toute ma course en fait):

Je me souviens avoir couru 2 kilomètres au complet (avant les 2 derniers) afin d'avoir une idée de mon rythme de course. Selon le tableau, il s'agit des km 7 à 6 et 4 à 3. On voit sur le tableau que mon rythme était potable... quand je courais. Certains moments de cette 2e partie de course furent particulièrement éprouvants, notamment le km 8 à 7, couru/marché en 6:20. J'ai pris un gel pendant ce kilomètre, question d'essayer de regagner un peu d'énergie, et de trouver une excuse pour marcher plus longtemps...
À mesure que le nombre de kilomètres à faire diminuait (TRÈS lentement, il me semblait), j'ai vu que j'avais encore des chances de battre mon modeste record personnel (1:51:13 au demi marathon hypothermique en février dernier), mais aussi, et surtout, de faire sous les 1h50.
En franchissant le panneau du 2 km, j'ai constaté qu'en maintenant un rythme de 5:00/km jusqu'à la fin, je finirais avec un mince coussin de 14s par rapport au 1h50. J'ai alors adopté le rythme maximal que je sentais être capable maintenir pendant 2 km.
À 1 km de la fin, mon coussin avait fondu à 6s. J'ai donc accéléré du mieux que j'ai pu, encouragé par les panneaux qui indiquaient 750 m, 500 m, puis 250 m. Encouragé aussi par une foule bruyante et compacte. C'était impressionnant!
J'ai finalement franchi la ligne d'arrivée en 1:49:43, heureux d'avoir battu mon record dans cette chaleur alors que je n'espérais rien avant la course, heureux d'avoir fait sous les 1h50 et d'avoir maintenu un rythme de 5:00/km jusqu'à ce que la chaleur tombe sur la partie du parcours la plus exposée au soleil, heureux de ne pas avoir senti le moindre inconfort à la bandelette ilio-tibiale droite pendant ou après la course, heureux que mon reste d'ampoule ne m'ait fait aucunement souffrir.
Heureux, en somme, que mon entraînement pour cette course, plus «sérieux» que celui pour mes 3 premiers demi-marathons, ait porté fruit. La meilleure preuve est mon absence de douleur à la bandelette, une première après une course de 15 km ou plus.
Il me reste maintenant à m'entraîner à être plus concis dans mes compte-rendus de course...
P.S. J'ai failli oublier: D a survécu à son premier marathon, en plus de le terminer dans un temps fort respectable compte tenu de la température!